calculation of the astronomical unit

Analyse des observations des contacts

Le résultat final du calcul de l’UA :

J.-E. Arlot, P. Rocher, Septembre 20,  2004.

 

Introduction.

Nous avons reçu toutes les observations de contact effectuées le 8 juin dernier. Nous avons effectué le calcul de l’unité astronomique en utilisant divers algorithmes et en effectuant plusieurs tris des données reçues. Que peut-on retenir de tous les résultats obtenus ? Quelle valeur « finale » peut-on trouver pour l’unité astronomique ?  Pouvons-nous comparer ces résultats à ceux obtenus lors des siècles précédents ? Avec quelle précision les observateurs d’aujourd’hui ont-ils effectué les mesures ? Nous allons tenter de faire une synthèse des résultats obtenus ci-dessous.

 

La base de données

Nous avons reçu 4550 timings des contacts venant de 2500 observateurs inscrits. La plupart des observations viennent d’Europe mais des données sont aussi venues d’Amérique, d’Afriaque, d’Asie et d’Australie (voir les cartes disponibles sur le site Web). Malheureusement, les observateurs étaient dispersés, mal situés –c’est-à-dire ne profitant pas du maximum de parallaxe- ce qui rend les méthodes de Delisle et Halley très difficiles à appliquer.

 

T1

T2

T3

T4

tous

Europe

676

1105

1297

1137

4215

Afrique

8

14

21

20

63

Ameriques

3

3

30

27

63

Asie

35

59

60

32

186

Australie

9

14

0

0

23

tous

731

1195

1408

1216

4550

Nombre de timings reçus

Notez que les observations de T1, T2 d'Amérique correspondent à des erreurs d’entrée des coordonnées puisque ces contacts n'étaient pas observables de là. Notez aussi que certains observateurs ont entré leur observation plusieurs fois de suite du fait de problèmes dans la connexion internet ! Le nombre de donnéesindiqué ci-dessus correspond à la base de données complète incluant même les données erronées. Une première élimination des données aberrantes ramène le nombre total à 4509. Les calculs définitifs seront effectués en utilisant "une base de données propre" choisissant seulement les "bonnes" observations selon plusieurs critères sur lesquels nous reviendrons.

 

Les différents calculs de l’unité astronomique

 

Le calcul de l'unité astronomique sera fait de plusieurs façons, en utilisant les nouvelles possibilités offertes par le XXIème siècle ou en utilisant les méthodes des siècles passés.

 

La première méthode est le calcul en temps réel de l'UA au fur et à mesure que les données arrivent sur la base de données. Le calcul commence avec la première observation qui fournit une valeur de l'UA (qui est solution de la question : quelle doit-être la valeur de l’UA pour que la différence entre l’instant observé et l’instant calculé du contact soit minimum?). Une simple moyenne est faite avec les observations qui arrivent ensuite. Comme nous ne connaissons pas à l'avance la précision des données, nous avons dû supposer connu plusieurs paramètres introduisant ainsi une contrainte dans l'algorithme (les distances relatives Vénus-Terre-Soleil ont été supposées connues, c.-à-d. que le soleil a été supposé ne pas être à l'infini) ; sans ces hypothèses, les moyennes des UA n'étaient pas possibles.

 

La deuxième méthode est aussi possible seulement quand on dispose de la base de données complète. A partir d’une valeur initiale de l’UA, nous faisons des prévisions et conservons seulement les observations proches des prévisions. Ces observations permettent de déterminer une nouvelle UA qui permet alors de calculer de nouvelles prévisions des contacts et ainsi de suite. Le processus convergera vers une UA finale. Si on part de la valeur de l’UA déterminée par radar, le processus n'a pas besoin d’itération et donne tout de suite la même valeur de l'UA.

 

La troisième méthode est l'utilisation de la méthode de Delisle ou de Halley : l'utilisation de couples d’observateurs pour déterminer la distance Terre-Soleil par l'effet de la parallaxe. Cette méthode nécessite également de disposer de toutes les données afin de choisir les optimales. Cependant, puisque les observateurs n’étaient pas situés a priori sur les meilleurs lieux (ceux où la parallaxe est maximales) comme proposé par Delisle ou Halley, les calculs sont plus difficiles.

 

 

Le calcul en ligne le 8 juin

Durant l’observation du 8 juin, notre serveur a reçu les observations des contacts et a effectué en temps réel un calcul de l’unité astronomique en moyennant l’ensemble des ua calculées (voir à ce propos la note pédagogique n°31a « Le calcul direct en ligne le 8 juin 2004 »). Le calcul effectué n’utilisait pas un algorithme suivant la méthode de Delisle qui n’est applicable que si l’on dispose de toutes les données et que ces données ont été obtenues depuis des sites bien choisis au préalable. Nous avons donc effectué des comparaisons à une prédiction théorique pour déterminer une valeur de l’ua pour chaque timing (la valeur de l’ua telle que la différence entre l’instant observé et l’instant calculé soit la plus petite possible) et avons, de plus, facilité la convergence des calculs pour pouvoir accepter toutes les données, même très imprécises. Le résultat est le suivant :

UA = 149 529 684 km +/- 55 059 km ; écart à la « vraie » UA : 68 186 km

La convergence contrainte (qui empêche le Soleil de partir à l’infini en faussant les moyennes) réduit l’erreur sur le calcul mais ne change pas le résultat.

Notons que nous connaissons aujourd’hui la « vraie valeur » de l’UA obtenue par radar et pouvons donc calculer en permanence l’écart de nos résultats à la « vraie » UA.

 

Le calcul à partir de l’ensemble des données

Nous effectuons maintenant un calcul en disposant de toutes les données et donc en effectuant au préalable un tri des « bonnes » observations et en éliminant les « mauvaises » observations ; il est désormais inutile d’utiliser une contrainte pour la convergence, l’élimination des mauvaises observations étant suffisante. Comment faire ce tri ? à partir d'une valeur de l'UA, nous calculons les contacts théoriques. Nous gardons seulement les données proches des instants prévues (à quelques secondes de temps pourvu que les données conservées gardent une répartition gaussienne) et déterminons alors une nouvelle UA permettant de recalculer de nouveaux contacts théoriques, et ainsi de suite. En fait, si on débute avec la valeur "vraie" connue de l'UA, le résultat final ne change pas mais on n’a pas besoin d’itérer le processus. On se reportera à la note n°31b « Le calcul de l’UA à partir de l’ensemble des observations effectuées » pour une analyse approfondie de ces données..

Premier critère : on élimine les observations à plus de 8 secondes de la prédiction (intervalle de 16s). Les résultats sont :

contacts T2, 262 timings, UA = 149 590 268 km +/- 108 359 km, écart à l’UA 7602 km

contacts T3, 421 timings, UA= 149 226 725 km +/- 324 822 km, écart à l’UA 371 145 km

tous contacts, 1066 timings, UA= 149 421 803 km +/- 252 081 km, écart à l’UA  176 067 km

tous contacts pondérés, 1066 timings, UA= 149 507 347 km +/- 173 437 km, écart à l’UA 90 523 km

Dans le cas des contacts pondérés, on a donné plus de poids aux observations bien situées (i.e. d’où la parallaxe est la plus grande).

Deuxième critère : on élimine les observations à plus de 4 secondes de la prédiction (intervalle de 8 secondes). Les résultats deviennent :

tous contacts, 583 timings, UA= 149 608 708 km +/-  11 835 km, écart à l’UA 10 838 km

Quelles conclusions tirer de ces résultats ?

-         le meilleur résultat est celui dont la dispersion est la plus faible et non pas celui ayant le plus faible écart à l’UA (puisque nous ne sommes pas sensés connaître la « vraie » UA) ; c’est celui correspondant aux « meilleures » observations (intervalle de 8 secondes) qui nous donne une erreur de 10 000 km seulement.

-         on remarque un écart plus faible à la « vraie » UA pour les contacts T2 (intervalle de 16 secondes) ; cela vient du fait d’une grande parallaxe pour la majorité des observateurs européens lors du contact T2 (lever du Soleil) mais la turbulence et la difficulté d’observation entraîne une très grande erreur sur ce résultat (+/- 108 359 km)

-         les contacts T3, plus nombreux, ne donnent pas de bons résultats, la majorité des observateurs européens l’ayant observé proche du méridien et du zénith. C’est le moment où la parallaxe est la plus faible et même une très bonne mesure donne des résultats médiocres.

-         lorsque les timings des contacts sont pondérés par le lieu (i.e. par la parallaxe), le résultat s’améliore un peu mais le nombre de lieux bien situés est très faible (Australie, Sibérie, …) pour obtenir une forte amélioration.

 

Notre résultat final peut donc être celui de tous les contacts de l’intervalle de 8 secondes (583 observations) :

UA = 149 608 708 km +/- 11 835 km (écart à l’UA 10 838 km)

Ce résultat est bien meilleur que celui obtenu par le calcul en temps réel ; c’est normal puisque nous avons pu éliminer les observations trop mauvaises. Eliminer plus d’observations (réduire l’intervalle de conservation des données) ne donne pas de meilleurs résultats, les observations étant alors trop peu nombreuses et ne présentent  plus une répartition gaussienne.

 

Le calcul avec la méthode de Delisle

Puisque nous disposons de toutes les données, nous pouvons utiliser la méthode de Delisle pour calculer l’UA, c’est-à-dire associer les observations deux à deux pour effectuer le calcul de la parallaxe. On se reportera à la note n°32 pour plus de détails sur ces calculs. On trouvera ci-dessous les principaux résultats obtenus en utilisant la base de données des mesures de l’intervalle de 16 secondes. Ici encore, sans la prédiction faite avec la  « vraie UA »AU, il faudrait itérer le calcul.

contacts T1, 103 couples, UA= 149 593 369 km +/- 1 308 668 km, écart à l’UA 4501 km

contacts T2, 1531 couples, UA= 149 604 208 km +/- 535 661 km, écart à l’UA 6338 km

contacts T3, 1979 couples, UA= 150 623 168 km +/- 423 861 km, écart à l’UA 1 025 298 km

contacts T4, 773 couples, UA= 148 904 105 km +/- 534 664 km, écart à l’UA 693 765 km

tous contacts, 4386 couples, UA= 149 840 958 km +/- 310 577 km, écart à l’UA 243 088 km

Quelles conclusions tirer de ces résultats ?

-         le contact T1 n’a été observe qu’une fois en Australie avec une très grande précision donnant ainsi une très bonne valeur de l’ua; du fait de la grande corrélation entre les combinaisons (due à cette unique observation lointaine face aux nombreuses observations européennes) l’erreur sur le résultat est très grande

-         le résultat des contacts T2 est bon, la parallaxe était bien observable depuis des lieux bien situés (voir les cartes de la note n°32)

-         le résultat des contacts T3 est mauvais, la parallaxe est trop faible pour cette méthode ; la « vraie » UA est en dehors de l’intervalle d’erreur, la répartition des erreurs n’est pas gaussienne

-         même conclusions pour T4 que pour T3

-         en utilisant tous les contacts on diminue l’erreur, ce sera notre résultat définitif avec cette méthode.

 

Le calcul avec la méthode de Halley

 

La méthode de Halley repose sur la mesure de la durée complete du passage, mesure effectuée depuis différents sites d’observation bien situés, c’est-à-dire des sites depuis lesquels les durées de transit observées sont très différentes. Le grand avantage de la méthode vient du fait que l’on n’a pas besoin de disposer d’une horloge donnant un temps absolu comme le Temps Universel. L’inconvénient de cette méthode est l’obligation d’observer depuis un meme lieu, le début ET la fin du passage, ce qui réduit considérablement les possibilités (non seulement les zones de visibilité partielle du passage sont exclues, mais encore les conditions météorologiques défavorables peuvent empêcher l’observation du début ou de la fin du passage).

Le 8 juin 2004, environ 2000 observateurs inscrits pouvaient voir le passage complet. Comme ils étaient en majorité situés en Europe, seulement une dizaine de couples d’observation pouvaient être utilisées pour la méthode de Halley. Malheureusement, aucune de ces observations n’avaient la précision suffisnate pour qu’un calcul soit possible.

En fait, pour que la méthode de Halley soit facilement applicable, il faut qu’un maximum de lieu d’observation possible soient répartis entre le Nord et le Sud. C’est donc dans le cas où le passage est visible depuis les Amériques que cette méthode est applicable. En 2004, les lieux favorables étaient la Sibérie et l’océan Indien, lieux difficiles pour les observateurs !

 

Les autres calculs possibles

 

Puisque l’Unité astronomique est aujourd’hui très bien connue, nous avons pensé qu’un calcul possible était de supposer l’UA connue et les rayons du Soleil et de Vénus inconnus. Les résultats, en utilisant les 1066 meilleures observations sont les suivants :

Rayon du Soleil: 695980.7 km +/- 806km, diff. à la valeur actuelle: 8.6 km

Rayon de Vénus: 6052.3 km +/- 7.0km, diff. à la valeur actuelle: 0.5 km

En conclusion, les rayons du Soleil et de Vénus sont, eux aussi, bien connus. Nos résultats le montrent ; la différence avec les valeurs actuelles n’est pas significative, eu égard à l’erreur sur le résultat.

 

La comparaison avec les calculs des siècles précédents

En compilant les résultats obtenus lors des siècles précédents, on peut donner les valeurs suivantes :

au XVIIème siècle :

- Horrocks, UA= 94 000 000 km, diff. à l’UA : -55 597 870 km

au XVIIIème siècle :

- Pingré et Short, 1761, UA= 138 540 000 km +/- 14 400 000 km, diff. à l’UA 11 057 870 km

- Lalande et Pingré, 1761 & 1769, UA= 151 000 000 km +/- 1 500 000 km, diff. : 1 402 130 km

- Newcomb, 1890, UA= 149 670 000 km +/- 850 000 km, diff. à l’UA : 72 130 km

au XIXème siècle :

- Newcomb, 1890, UA= 149 670 000 km +/- 330 000 km , écart à l’UA 72 130 km

au XXIème siècle, notre résultat définitif « officiel » :

- seconde méthode ci-dessus, UA = 149 608 708 km +/- 11 835 km (écart à l’UA 10 838 km)

La comparaison avec les résultats du XXIème siècle montre plusieurs choses :

-         avant le XVIIIème siècle, l’UA était très sous-estimée

-         après le passage de 1761, l’UA n’est pas très bien déterminée mais en associant les passages de 1761 et de 1769, les résultats s’améliorent. Le calcul de Newcomb en 1890, avec correction des longitudes mal connues au XVIIIème siècle donne un très bon résultat : les observations du XIXème siècle ne permettront qu’une diminution de l’erreur

-         les résultats du XXIème siècle sont les meilleurs ; malgré l’inexpérience des observateurs et leurs sites mal choisis, l’utilisation du GPS, du Temps Universel, de récepteurs CCD et d’optiques de qualité (peu de goutte noire) a permis de bons timings

-         l’erreur de mesure diminue de siècle en siècle grâce aux progrès techniques

 

Notons aussi que lors des passages des siècles passés, si de nombreuses observations étaient effectuées (100 en 1761, 120 en 1769, 71 en 1874 et 85 en 1882), seul, un petit nombre était utilisé pour les calculs (entre 10 et 30 selon les auteurs). Les erreurs donnés ci-dessus sont des estimations, la théorie des erreurs n’aynat été développée qu’au début du XXème siècle. Les valeurs de l’UA pour les siècles passés ont été déterminées à partir des valeurs des parrallaxes et d’un rayon de la Terre de 6378.14km.

 

Conclusion

Notre but est atteint : montrer que des jeunes (et moins jeunes) collaborant dans le monde entier, permettent de faire une mesure scientifique de qualité. Une conclusion très intéressante et surprenante est la qualité des observations effectuées, bien supérieure à celle des siècles précédents. En fait, la bonne connaissance des longitudes, la disponibilité du temps Universel partout dans le monde, l'utilisation de caméras CCD pour enregistrer le phénomène et la bonne qualité des optiques minimisant l'effet de goutte noire ont permis d'obtenir ce bon résultat.

Nous pourrons recommencer en 2012, et, comme pour les siècles précédents, nous bénéficierons d’une expérience qui nous permettra d’améliorer encore le résultat :

-         en optimisant la position des observateurs sur la Terre, en sollicitant les sites bien situés

-         en utilisant un critère de sélection dès le calcul en temps réel (fondé sur les précisions constatées en 2004) permettant d’utiliser un algorithme non contraint.