Fiche
pédagogique n°15
Vénus dans la science-fiction
Y a-t-il de la vie dans d'autres mondes, en particulier dans d'autres mondes du Système Solaire? Cette question fondamentale a été discutée non seulement par les philosophes et les scientifiques. Elle a aussi été le sujet de plusieurs récits et romans. Quel type de paysages y a-t-il sur d'autres mondes? Quelles formes de vie y habitent (hommes, plantes et animaux)? Ces supposées formes de vie, sont-elles suffisamment intelligentes et évoluées pour nous contacter?
Dans l'Antiquité, les philosophes discutaient de façon vigoureuse de ce problème. Le monde dont leurs discussions était le sujet était la Lune, puisque cette voisine de la Terre est très facile à observer à l'oeil nu. Son disque brillant montrant des régions éclairées et des régions sombres, ils y associèrent des continents et des océans. Notre satellite naturel était vu comme une image miroir de la Terre. Des penseurs grecs tels Orphée, Thalès, Anaxagore, Philolaos de Crotone et Xénophane croyaient que la Lune était la demeure de plantes et d'animaux semblables a ceux que l'on trouvait sur Terre mais beaucoup plus beaux.
Orphée
Ce scénario a été décrit par Plutarque (46-120 AD) dans son ouvrage ''Le visage du disque de la Lune''. Celui-ci a inspiré le premier roman sur les voyages dans l'espace, écrit par l'auteur satirique grec Lucian (120-180 AD). Ce roman avait pour titre ''Vera Historia'' et racontait l'histoire de l'équipage d'un vaisseau lancé sur la voisine de la Terre par la force d’un orage. Sur la Lune, ils rencontraient les habitants lunaires et étaient témoins d'une guerre entre ceux-ci et les habitants du Soleil. Des récits et des romans publiés dans les siècles à suivre ont aussi traité de la vie sur la Lune. Par exemple, en 1634 le ''Somnium seu astronomia Lunaris'' a été publié par Johannes Kepler (1571-1630, découvreur des lois du mouvement planétaire). Avec le télescope établi comme l'outil principal de l'astronomie, les scientifiques se sont de plus en plus demandés si les planètes connues depuis longtemps -Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne- étaient aussi des demeures de vie.
Lorsque l'astronome français Pierre Gassendi (1592-1655) faisait mention d'étoiles dans son oeuvre ''Les étoiles, sont-elles habitables?'', il parlait du Soleil et des planètes, puisque à cette époque on croyait que les étoiles étaient des trous dans la sphère céleste la plus distante. Gassendi pensait que la quantité variable de rayonnement solaire arrivant sur les planètes pourrait caractériser les conditions physiques sur ceux-ci et la nature de leurs habitants. On pensait donc que les habitants de Mercure étaient beaucoup plus petits et moins ''parfaits'' que les Vénusiens et que ceux-ci étaient à leur tour inférieurs aux habitants de la Terre.
Bernard de Bouvier de Fontenelle (1657-1757) montra sa croyance en l'existence des habitants des Vénus, ou Vénusiens, dans son ouvrage ''Entretiens sur la Pluralité des Mondes'' publié en 1686. Celui-ci a été le premier roman sur des mondes extraterrestres fondé sur des arguments scientifiques; l'auteur parlait des civilisations sur Mercure, Vénus et Saturne. Le roman de Fontenelle a été un des livres le plus connu sur ce sujet jusqu'à la fin du 18eme siècle. Une des découvertes de l'astronome hollandais Christian Huygens (1629-1695) a contribué à enrichir les idées sur les mondes habités dans le système solaire. Après avoir vu des taches sur les surfaces de Jupiter et de Mars, il a conclu qu'il s'agissait des nouages et de l'eau.
Johannes Kepler © S. Harris
(Képler :ainsi, vous voyez, l’orbite d’une planète est elliptique
réponses : qu’est-ce que c’est une orbite ?,
qu’est-ce que c’est une planète ?,
qu’est-ce que c’est « elliptique » ?...)
La plus part de récits et de romans sur les mondes extraterrestres traitaient de la vie sur la Lune, suivis de la vie sur Jupiter et ses satellites (que l'on croyaient être des vaisseaux de navigation pour ses habitants) et finalement de la vie sur Mars. Cet ordre reflétait le niveau des techniques d'observation, particulièrement pour ce qui concernait le développement des télescopes. La construction de télescopes plus grands et plus puissants avec une meilleur résolution a permis aux astronomes l'acquisition de beaucoup plus d'informations sur les propriétés physiques des planètes.
Les étoiles, sont-elles habitables? (Droits réservés)
Christian Huygens
Emmanuel Kant, célèbre philosophe de Kongsberg (1724-1804) a lancé l'idée que la faune et la flore sur chaque planète étaient constituées de matériaux dont la légèreté et la faiblesse dépendaient de la distance entre cette planète et le Soleil. Les habitants de la Terre et du Mars se situaient donc dans un niveaux d’intelligence inférieure, largement inférieure, à celui des habitants de Jupiter et de Saturne. Comme preuve de ce dégrée d'évolution culturelle, il citait le nombre d'anneaux et de satellites autour de chaque planète. Kant pensait que l'absence de ceux-ci autour de Vénus et de Mercure était la preuve qu'il n'y avait que des créatures irrationnelles habitant ces mondes-là du fait qu'ils étaient des déserts.
Les « Martiens » (crédit: Warner Brothers)
William Herschel (1738-1822), qui a découvert la planète Uranus, a fait partie des scientifiques qui ont discuté de la question fondamentale de la vie dans d'autres mondes; de même que Franz von Paula Gruithuisen (1774-1852), un professeur de Munich. Ce dernier écrivit sur des villes, des rues et des fortifications sur la Lune et ajouta que les Vénusiens organisaient des nombreux festivaux de feu puisque sur Vénus les arbres poussaient plus vigoureusement que dans les jungles vierges du Brésil.
Jusqu'à la moitié du 19eme siècle, les idées sur la vie sur d'autres planètes étaient pour la plupart basées sur la fantaisie des hommes et des suppositions plus ou moins scientifiques dépourvues de preuves concrètes. La situation a changé radicalement lors de la découverte des spectaculaires canaux sur Mars par l'astronome italien Giovanni Schiaparelli (1835-1910). C'était le début des romans sur la planète Mars. Dix ans avant la publication du roman ''De la Terre à la Lune'' par Jules Verne (1828-1905) qui a ainsi fondé le genre de la science-fiction.
Jules Verne : « De la Terre à la Lune » (Droits réservés)
En 1897 et en 1898, deux romans de science-fiction sur la planète Mars sont apparus. Ceux-ci ont établi les normes pour toute une génération d'écrivains et ont formé notre image de cette planète pour les années à venir. ''Two planets'' de l'allemand Kurt Lasswitz (1848-1910) et ''The War of the Worlds'' de l'anglais Herbert George Wells (1866-1946). Ces ouvrages décrivaient la planète Mars comme un monde éteint où une civilisation très avancée qui a voulu envahir la Terre y avait habité. Les onze volumes d'aventures sur Mars de l'écrivain Edgar Rice Burroughs (1875-1974, créateur du héros de la jungle Tarzan) datent aussi ce cette-époque. C'est Burroughs qui a crée l'image des Martiens verts.
Les petits hommes verts (crédit: Star Trek)
Des nouvelles connaissances en chimie semblaient indiquer que toutes les autres planètes du Système Solaire contenaient les mêmes éléments chimiques que la Terre. Les scientifiques du début du 20eme siècle ont donc conclu que Vénus avait une atmosphère comme celle de la Terre avec des composantes gazeuses semblables. L'astronome français Camille Flammarion (1842-1925) a décrit ces idées d'une façon très impressionnante dans son ouvrage ''La pluralité des mondes habités...''
Dans les années 1930, Vénus est utilisée comme thème pour des romans de science-fiction. Ceux-ci montraient la planète comme un monde vierge où la faune et la flore étaient les mêmes qu'il y avait eu sur la Terre pendant les périodes Carbonifère et Permien (jungles, déserts, océans, volcans et dinosaures). Les récits reflétaient l'histoire coloniale de l'Afrique et de l'ouest américain. Cependant Vénus était moins populaire que Mars comme le montrent les ouvrages ''Fury'' de Henry Kuttner publié en 1947 et ''The space merchants'' de Fredrik Pohl et M.C. Kronbluth publié en 1952. Les romans les plus connus sur Vénus ont été écrites para Edgar Rice Burroughs: ''Pirates of Venus'' (1934), ''Lost on Venus'' (1935), ''Carson of Venus'' (1939), ''Escape on Venus'' (1946) et ''The Wizard of Venus''(publication posthume en 1970).
The Space Merchants © Ballantine Books
L'auteur polonais Stanislv Lem a été un des premiers à créer une image de Vénus semblable à celle qu'on connaît maintenant à partir de l'étude des conditions de la surface de cette planète. Dans son roman ''Les Astronautes'' (1951), il a décrit la surface de Vénus comme en endroit infernal. Les astronautes qui visitent cette planète en expédition internationale remarquent que la cause n'est pas naturelle. Lorsqu'ils découvrent les vestiges d'une civilisation avec une technologie très avancée, ils trouvent que les habitants se sont suicidés en utilisant des armes nucléaires et en détruisant leur environnement. Les visiteurs terrestres découvrent aussi des indices qui montrent que les Vénusiens envisageaient d'envahir la Terre et que seulement leur suicide nucléaire leur en avait empêché. D'après le récit, le météore qui est tombé en Sibérie en 1908 était en réalité une vaisseau d'exploration de la flotte d'envahisseurs vénusiens.
Les premiers survols des engins spatiaux soviétiques et américains, et les données qu'ils ont transmises, ont mis fin aux romans de science-fiction sur cette planète puisqu'ils ont montré Vénus comme l'endroit le plus infernal dans le système solaire pas du tout approprié pour des aventures de colonisation. Les écrivains de science-fiction ont donc émigré vers les planètes extra-solaires, ou exoplanètes, de notre Galaxie puisqu'ils pensaient que ceux-ci n'allaient jamais être étudiés avec des instruments astronomiques capables de révéler leurs propriétés physiques réelles.
Edgar Rice Burroughs... a probablement modifié plus de destins
Que n’importe quel autre écrivain dans l’histoire américaine
(crédit E.R. Burroughs)
Le météore sibérien (crédit: Wonders of the
World)
Cependant, les choses sont en train de changer. Dans un futur proche, les télescopes de nouvelle technologie vont permettre aux scientifiques de découvrir des exoplanètes et en plus, d'étudier leurs caractéristiques détaillées. Une nouvelle génération d'écrivains de science-fiction comme Ben Nova a découvert que la ''moderne'' planète Vénus peut aussi être un endroit fascinant où des aventures passionnantes et dramatiques peuvent se dérouler. Son ouvrage ''Vénus'', publié en 2000, est un exemple de cette nouvelle tendance qui vaut bien la peine de lire.
"Venus" par Ben Bova (crédit: SFBooks.com)