Fiche  pédagogique n° 23 :

la détection des planètes extrasolaires

 

J. Schneider, observatoire de Paris

 

Le passage de Vénus donne l'occasion de voir comment les passages permettent de détecter des planètes extrasolaires, c'est-à-dire les planètes orbitant autour d'étoiles autres que le Soleil, et, au-delà, de faire le point sur ces nouveaux mondes.

 

Pourquoi s'intéresser aux planètes extrasolaires ?

Il est naturel de se demander si de la vie existe ailleurs que sur Terre. Déjà Epicure se  posait la question en 300 avant JC (dans sa Lettre à Hérodote; d'ailleurs il y répondait sans hésiter positivement).

La vie peut, a priori, prendre des formes extrêmement différentes de la nôtre. Dans cet éventail sans limite on ne sait pas a priori dans quelle direction chercher, ce qui ne nous aide pas beaucoup. Pour rendre la recherche plus efficace, on commence par se tourner vers des formes de vie qui partagent avec la nôtre des caractéristiques que l'on pense sinon universelles du moins assez répandues: être fondée sur la chimie organique, se développer dans des millieux sinon aqueux du moins suffisament humides et enfin avoir à sa disposition une source d'énergie lumineuse permanente. Les milieux les plus favorables pour de telles conditions sont les surfaces de planètes solides (ou liquides) situées à bonne distance de leur étoile. On les appelle planètes ''habitables''.

Autrement dit, il faut passer par un préalable, la détection d'autres systèmes planétaires. Ce préalable répond d'ailleurs aussi à des questions de nature plus « planétologiques»: combien y a-t-il de systèmes planétaires dans la galaxie? Comment sont distribuées leurs caractéristiques (nombre de planètes, leur masse, orbites etc), comment celles-ci sont-elles corrélées au type d'étoile?

 

 

Comment détecter les autres systèmes planétaires?

La méthode la plus naturelle serait de faire une image du système planétaire où les planètes apparaissent comme des points à côté de leur étoile « parente ». C'est aussi la méthode la plus prometteuse à long terme car elle permettra de voir les couleurs des planètes, en déduire les caractéristiques de leur atmosphère et de leur sol pour éventuellement y déceler des indices d'une vie. Malheureusement c'est aussi la plus difficile à mettre en oeuvre car, l'étoile étant un milliard de fois plus brillante que la planète, éblouit l'observateur.

On en est donc réduit à commencer par des approches indirectes, l'imagerie directe ne pouvant pas être mise en oeuvre avant 2007 environ, les instruments d'observation étant en préparation.

 

Méthodes indirectes:

  Perturbation de la trajectoire de l'étoile par la planète

  Lorsque la planète orbite autour de l'étoile, elle tourne en fait autour du centre de gravité de la paire étoile-planète, de même que l'étoile.

  Ce mouvement de l'étoile -mouvement que l'on veut détecter- est périodique, sur une orbite  plus petite que celle de la planète avec un rayon a  donné par la loi du barycentre:

 

a = A (m/M)

 

 où:

    A est la distance étoile-planète

    m est  la masse de la planète

    M est la masse de l'étoile

  Il en résulte des variations périodiques sur 3 quantités mesurables par l'observateur:

       - vitesse « radiale » V de l'étoile (composante de la vitesse  de l'étoile dans la direction étoile- observateur). L'amplitude de cette variation est de 13 m/s pour une planète de la masse de Jupiter située, comme Jupiter, à 5 unités astronomiques (ua) de son étoile.

    distance   étoile-observateur (mesurée par la variation des instants d'arrivée de signaux périodiques émis par l'étoile, comme dans le cas des pulsars par exemple)

    position de l'étoile sur le ciel (méthode « astrométrique ») puisque l'étoile tourne autour du centre de gravité de la paire étoile-planète.

 

  Perturbation de la luminosité de l'étoile (transits)

  Une planète peut légèrement obscurcir transitoirement une étoile autour de laquelle elle tourne (transit). C'est la transposition au domaine des étoiles du passage de Vénus devant le soleil. Il y néanmoins une différence importante: alors que l'on peut voir dans le cas de Vénus une image de la planète devant le disque solaire, dans le cas d'une planète extrasolaire l'étoile est vue comme un point et tout ce qu'on peut observer c'est une très légère baisse de l'éclat de l'étoile lors du passage. La baisse relative de luminosité est proportionnelle à la surface de la planète.

  Cette baisse de luminosité est de 1% pour une planète géante comme Jupiter et de 0,01% pour une planète de la taille de la Terre.

   Un inconvénient de cette méthode vient de la faible probabilité géometrique (p = R/AR est le rayon de l'étoile) pour que l'orbite de la planète soit correctement orientée pour produire un transit. Cette probabilité vaut 0,5% pour une planète située à 1 ua de son étoile; autrement dit, si toutes les étoiles ont une planète à 1 ua, il faut en suivre 200 pour voir un transit. Si 10% des étoiles ont une planète à 1 uaen qu'on veut en détecter 10, il faut suivre photométriquement 20000 étoiles.

      

 

Bilan des découvertes

La méthode des vitesses radiales a permis de détecter à ce jour (novembre 2003) 103 systèmes planétaires, dont 13 sont multiples, donnant en tout 118 planètes. Ces détections indiquent qu'au moins ~7% des étoiles sont accompagnées d'au moins une planète. Extrapolée à toute la galaxie, cette proportion signifie que celle-ci héberge au moins 7 milliards de planètes. Les masses des planètes détectées vont de  36 masses terrestres à 13 masses de Jupiter. La limite inférieure provient de la limitation de la précision instrumentale. La limite supérieure est fixée par la définition adoptée pour une planète: au-delà de 13 masses de Jupiter un corps a une source d'énergie propre due à une activité thermonucléaire centrale: c'est donc une étoile). Les distances de planètes détectées à leur étoiles vont de 0,02 UA à 4,8 UA.  Curieusement, la moitié des orbites détectées sont plutôt elliptiques (excentricité forte) contrairement à ce qui passe dans le système solaire où toutes les planètes (sauf Mercure et Pluton) ont des orbites quasi-circulaires. On n'est pas sûr de bien comprendre pour l'instant la cause de ce phénomène. 

Parmi les 118 planètes détectées par vitesse radiale, l'une d'elle (HD 209458 b) produit également (tous les 4 jours) un transit. Celui a été observé par le télescope spatiale Hubble. Des observations spectroscopiques au cours des transits par cette planète ont déjà fourni des indications sur la composition chimique de son atmosphère. Il faut y ajouter la planète OGLE-TR-56 b qui a été détectée par la methode des transits  (et confirmée ultérieurement par des mesures de vitesse radiale).  Il y a dans ce cas un transit toutes les 30 heures, ce qui implique, si l'interprétation des observations est correcte[1][1], une orbite très serrée (5 fois le rayon du Soleil).

Toutes ces planètes sont des planètes géantes, ne pouvant pas héberger une forme de vie analogue à la vie terrestre.

 

 

Les futures missions spatiales de recherche de planètes.

Pendant les prochaines années beaucoup d'observatoires vont poursuivre ou développer des programmes systématiques de recherche de planètes par vitesses radiales, transits, astrométrie ou imagerie directe. Parallèlement une moisson fructueuse est attendue de plusieurs télescope satellisés déjà en orbite et opérationnels, en cours de construction ou à l'étude:

       le  Télescope Spatial Hubble a observé, en juin 2003, 50 000 étoiles dans le but d'y chercher des transits planétaires. Une centaine de planètes est attendue de cette campagne; les résultats de l'analyse sont attendus courant 2004.

       le satellite CoRoT [2][2], va suivre 60 000 étoiles pendant deux ans et demi pour chercher des transits planétaires. Son  lancement par le Centre National d'Etudes Spatiales est prévu pour juin 2006. On s'attend à ce qu'il trouve les premières ''grosses Terres'' (environ deux fois le rayon de la Terre) dans la galaxie, certaines étant susceptibles d'héberger une forme de vie. Le satellite américain Kepler (lancement prévu en 2008) doit détecter par la même méthode quelques centaines de planètes dont la taille pourra descendre jusqu'à celle de Mars.

       le satellite américain SIM (Space Interferometric Mission), dont le lancement est programmé pour 2009, devrait détecter par astrométrie quelques dizaines au moins de planètes, essentiellement géantes. Beaucoup plus ambitieux, le projet européen GAIA (lancement prévu en 2011) va suivre dans le même but un milliard d'étoiles. Une moisson de quelques dizaines de milliers de planètes est attendue.

       le satellite américain JWST (avec une contribution européenne pour la détection de planètes) s'efforcera de chercher des planètes géantes ''chaudes'' par imagerie. Avec un peu de chance il pourrait en trouver quelques dizaines.

       enfin, deux projets parallèles (Darwin pour l'Europe, TPF pour les USA) sont à l'étude pour détecter des planètes habitables par imagerie. Dans un deuxième temps une étude spectroscopique de ces planètes y cherchera, vers 2020, des signes d'activité biologique, comme la présence d'oxygène ou des couleurs caractéristiques d'une ''végétation''. Dans l'intervalle, la NASA étudie des ''précurseurs'' à TPF avec des ambitions plus modestes.

 

Nous vivons anisi à une époque très particulière qui, en répondant à une question posée depuis l'antiquité, nous fera connaître vers 2020 un grand tournant dans l'histoire de l'astronomie, voire de l'Humanité.

 

 

Pour en savoir plus

Benest Daniel & Froeschlé Claude (Eds.)

              Invitation aux planètes.

              ESKA 1999

Mayor Michel & Frei Pierre-Yves

              Les nouveaux mondes dans le cosmos

              Le Seuil, 2001

L'Encyclopédie des Planètes Extrasolaires sur le Web: www.obspm.fr/planetes





[1][1]Il faut être sûr que les transits ne sont pas des artefacts dus à une étoile binaire en projection qui a ses propres éclipses périodiques.

[2][2] Ce sigle est une abbréviation de ''Convection Rotation et Transits planétaires''  car ce satellite se consacrera en partie à l'étude de la rotation des étoiles.