Fiche pédagogique n°01
Quelle est la signification du passage de Vénus?
Un grand nombre de corps célestes de
différents diamètres apparents se satellisent les uns les autres - les
étoiles binaires, un soleil et ses planètes, ou une planète et ses satellites
par exemple. Lorsque les objets les plus petits et les plus sombres
apparaissent dans le champ visuel d'un observateur terrestre il est possible
qu'ils passent devant le corps plus grand ou plus brillant. Ceci s'appelle un
passage ou transit. Le passage le mieux connu est l’éclipse de Soleil, quand
la nouvelle Lune passe devant le Soleil. Comme ces deux corps célestes ont le
même diamètre apparent, la Lune peut complètement recouvrir le disque solaire
et une éclipse totale se produit.
Éclipse totale de Soleil
Un phénomène analogue de passage se
produit quand un satellite ou son ombre passe devant une planète -les disques
ou les ombres des satellites galiléens devant Jupiter ou ceux de Titan devant
Saturne, par exemple-. Ces événements ne sont visibles qu’à l'aide d'un
télescope et s'appellent des « passages ou passages d’ombres ». (cf. la fiche n°22, Autres
passages dans le système solaire)
Passage de l’ombre d’un des satellites galiléens
Les passages de Mercure et de Vénus, appelés « transits
planétaires », sont très spectaculaires en raison de leur rareté. Ils surviennent lorsque Mercure ou Vénus est en
conjonction inférieure (ce qui se produit une fois tous les 116 jours environ
pour Mercure et une fois tous les 584 jours environ pour Vénus) et en même
temps proche d'un des nœuds orbitaux (points d'intersection entre l'orbite de
Mercure ou de Vénus et l'écliptique). Alors la planète se trouve sur une
ligne droite entre la Terre et le Soleil. Etant donné que l’orbite de Mercure
forme un angle de 7 degrés avec le plan de l'écliptique, que l’inclinaison de
l'orbite de Vénus est de 3.3 degrés, et que les deux conditions (que la
planète soit simultanément en conjonction inférieure et au voisinage d’un
nœud orbital) ne sont pas toujours réunies, ces transits
planétaires sont par conséquent des événements célestes exceptionnels.
Il y a 13 transits de Mercure par siècle en moyenne, soit environ un tous les
7 ans et demi, et quatre transits de Vénus
en 243 ans environ.
Illustration: Les orbites de Mercure et de Vénus, et leur inclinaison par
rapport à l’écliptique.
Jadis, les astronomes se servaient des transits de
Mercure et de Vénus pour obtenir des informations sur les dimensions du
système solaire, la taille du Soleil, la distance de Vénus, et la distance
entre le Soleil et nous, qui s'appelle l'Unité Astronomique (UA). Pour
définir cette valeur importante, les astronomes utilisaient la méthode de
triangulation ou parallaxe qui permet de mesurer une distance en mesurant des
angles et une base.
La méthode de
triangulation
Chronométrant
de divers lieux sur Terre les moments précis où la planète entre et sort du
disque solaire il devint possible, au moyen de la parallaxe, de déterminer la
distance de la Terre au Soleil. Les astronomes pouvaient ensuite employer la
valeur de l'Unité Astronomique comme référence pour définir la distance
d'autres objets du système solaire grâce aux lois de Képler,
et jusqu’aux étoiles les plus proches grâce à la parallaxe annuelle. Une fois
connue la distance de la Terre au Soleil, les distances comparatives d'autres
corps dans le système solaire et les étoiles voisines pouvaient être
calculées. Il devenait également possible de déterminer la longitude de
l'observateur. Par exemple, des observations du passage de Mercure en 1677
ont permis de définir la longitude de Port Royal
en Jamaïque, ceci parce que le passage a été observé depuis différents
endroits sur Terre.
Le premier astronome à constater
l'importance d'observer les passages de Mercure et de Vénus était Edmund Halley (1656-1742). Le premier astronome ayant
observé un passage de Mercure fut Pierre Gassendi (1592-1655) en 1631 à
Paris. Le premier astronome ayant observé le passage de Vénus fut Jeremiah Horrocks (1618-1641),
en 1639 à Preston.
Jeremiah Horrocks observant le passage de
Vénus
Au siècle suivant, la coopération
internationale pour les projets scientifiques fut stimulée par de nombreuses
expéditions montées pour observer des passages (indépendamment des
dissensions politiques, et même des guerres). Des astronomes se sont rendus
parfois très loin pour observer les passages de Vénus de 1761 et 1769. Ils
savaient qu’une telle occasion ne se reproduirait pas avant 1874 et 1882.
Pour observer le transit de 1769, le capitaine Cook a navigué d'Angleterre à
Tahiti. Il a découvert Hawaï et quelques autres lieux en prime au cours de
son périple; il est rare que des retombées subsidiaires de la recherche
astronomique soient aussi flagrantes.
Le capitaine
Cook à Tahiti
Les résultats étaient malgré tout décevants,
principalement en raison de la difficulté de définir le temps avec précision.
Les horloges à pendule étaient alors les meilleures montres disponibles, mais
il fallait les réviser au terme d’expéditions laborieuses et elles ne
pouvaient conserver le temps du lieu de départ suffisamment longtemps pour
les besoins des astronomes. La deuxième raison était qu'il était difficile
d’estimer le moment précis du début du transit, en raison de
« l’effet goutte noire » : une zone d’ombre paraît
accoupler le Soleil à la traîne de Vénus un instant après le second contact,
puis à l’avant de la planète un instant avant le troisième contact. Il est
causé par la réfraction de l'atmosphère très dense de Vénus et par des
aberrations optiques (diffraction). Ce phénomène limite l'exactitude des
observations des passages de Vénus. Les astronomes en ont pertinemment conclu
que Vénus possédait une atmosphère. Enfin, la mauvaise connaissance des
longitudes de ces lieux d’observation lointains entachait les calculs
d’erreurs importantes.
L’effet goutte noire
La première tentative d’estimation de l’UA au moyen
de radars eut lieu en septembre 1959. Grâce
au radiotélescope de Jodrell Bank,
les astronomes ont émis des signaux radar en direction de la surface de Vénus
et en ont attendu les échos, mais cette tentative échoua. Une autre occasion
s'est présentée en avril 1961, où les équipements de Jodrell
Bank, ceux de l’URSS (en son temps), ceux du MIT
près de Boston dans le Massachusetts et du JPL à Pasadena en Californie ont
concouru. En mesurant le retard de l'écho radar, les astronomes ont non
seulement évalué la distance de Vénus, mais encore découvert qu'ils avaient
estimé trop courte la distance moyenne Soleil-Terre.
Voilà pourquoi ils n'avaient pas détecté d'écho lors de la première
tentative, parce qu'ils l’avaient cherché dans la mauvaise direction. Ils
avaient maintenant des horloges à masers d'hydrogène, plus précises. Restait
néanmoins une anomalie de 60.000 kilomètres entre la valeur radar de l'UA et les meilleures valeurs conventionnelles. La valeur
radar moyenne de 149.600.000 kilomètres fut adoptée par la suite.
Les signaux radio émis par les
sondes spatiales lors de leur passage derrière Vénus nous ont permis de
recueillir des positions et des masses planétaires précises au cours de ces
dernières années. Ces résultats issus de l'exploration spatiale font que
l’observation de futurs passages planétaires sera d’une importance
scientifique moindre. Elle restera néanmoins une bonne méthode pour détecter
les planètes extra-solaires en utilisant la méthode
des passages devant les étoiles (cf. fiche n°23 sur la recherche
d'autres mondes en utilisant la méthode des transits).
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