La planète Vénus possède l'atmosphère la plus massive des planètes telluriques du système solaire. La pression au sol atteint 90 à 95 bars, soit près de 100 fois la pression atmosphérique terrestre, équivalent à la pression que subit un engin sous-marin à une profondeur de près de 1000 mètres. Du point de vue des constituants chimiques, Le dioxyde de carbone (CO2, 96,5 %) et l'azote (N2, 3,5%) représentent à eux seuls plus de 99,9% de la composition. Il est à noter que compte tenu de la quantité de gaz près de cent fois supérieure à celle de l'atmosphère terrestre, il y a en valeur absolue une quantité sensiblement égale de molécules d'azote dans l'atmosphère de Vénus (3,5 % en proportion) que sur Terre (78,0 % en proportion). Au milieu du XVIIIe siècle, lors de l'observation du transit de Vénus de 1761, l'astronome M. V. Lomonossov a rapporté la présence d'un halo qu'il a attribué à l'existence d'une atmosphère autour de Vénus. Depuis le XIXe siècle, des taches ou des marques sombres, généralement dans la partie équatoriale du croissant, lorsque la phase et la dimension angulaire de la planète le permettent, ont été dessinées puis photographiées. C'est en 1932 que le CO2 fut identifié pour la première fois par l'observation des bandes d'absorption du proche infrarouge, vers 0,8 mm, dans le spectre solaire réfléchi, par Adams et Dunham.
Composition
détaillée. - D'autres
constituants que CO2 (CO, HCl, HF) ont été mis en évidence avec le
développement des techniques instrumentales après la seconde guerre mondiale,
également par spectroscopie infrarouge, mais ce n'est qu'en 1967, avec le
module de descente de la sonde soviétique Venera-4, que les concentrations des
constituants ont pu pour la première fois été mesurés in-situ. L'analyse par chromatographie en phase gazeuse, à partir de
la mission automatique Venera-11 (1978), a révélé de nouveaux constituants
moléculaires mineurs tels que H2, O2, Kr, H2O,
H2S et COS. La présence de dioxyde de soufre (SO2)
est établie en 1979 par l'observation à moyenne résolution spectrale dans le
proche ultraviolet depuis la Terre. Bien qu'en faibles quantités, ce gaz très
réactif est un élément essentiel de la chimie de l'atmosphère de Vénus. De la
vapeur d'eau a été détectée en extrêmement faibles quantités (environ 30
parties par million ou ppm, 1 ppm = 0,001 %), ce qui fait de Vénus la planète
la plus sèche du système solaire. Les rapports de mélange de CO, H2O
et SO2 varient de manière importante avec l'altitude et traduisent
les réactions d'équilibre chimique entre les différents constituants.
Vénus
|
Terre
|
Mars
|
|
Poids moléculaire moyen (unité de masse atomique) |
43.44
|
28.98
|
43.49
|
Masse (kg) |
4.77 . 1020
|
5.30 . 1018
|
1016
|
Pression moyenne à la surface (N . m2) |
92
|
1
|
0.007
|
Composition (en %) | |||
Gaz carbonique (CO2) |
96.5
|
0.0345
|
0.953
|
Azote (N2) |
3.5
|
78.08
|
2.7
|
Oxygène (O2) |
0.0001-0.0020
|
20.95
|
0.000013
|
Vapeur d'eau (H2O) |
0.0001-0.0050
|
1-3
|
<0.01
|
Table 1. – Caractéristiques physiques comparées et principaux constituants de l'atmosphère pour Vénus, la Terre et Mars
(0,0001 % = 1 ppm).
Fig. 1 – Aspect général de la planète Vénus illuminée par
le soleil. Seule la partie supérieure de l'épaisse couche nuageuse, constituée
de fines gouttelettes d'acide sulfurique, est observée à une altitude de 70 km
environ. Celle-ci est en mouvement constant d'est en ouest, entraînée avec
l'ensemble de l'atmosphère par un mécanisme de super-rotation en 4,2 jours.La
photographie ci-dessus est prise depuis l'orbiter de la sonde Pioneer-Venus le
26 février 1979, à une distance d'environ 65 000 km (NASA/NSSDC).
Albédo.
- La couleur jaune pâle
de Vénus, visible à l'oeil nu ainsi que sur la photographie de la figure 1,
résulte d'une absence relative de lumière solaire réfléchie dans la partie bleue-violette
du spectre. Les mesures spectroscopiques de l'albédo de Vénus, c'est à dire
de la lumière solaire réfléchie, font
apparaître une absorption par l'atmosphère de Vénus dans toute la région s'étendant
de 200 à 350 nm environ (1 nm = 0,001 micron = 10-9 m). De 200 à
320 nm, le problème a été résolu en 1979 par la découverte et l'identification
du SO2,
un gaz chimiquement très actif dans l'atmosphère et à la surface de Vénus. Dans
la partie 320-350 nm, l'incertitude subsiste encore sur la cause de cette absorption
de rayonnement lumineux, car aucun des constituants chimiques détectés et identifiés
à ce jour n'absorbe le rayonnement dans ce domaine spectral de façon significative,
ou n'ont pas la concentration suffusante pour le faire. Il pourrait s'agir de
produits issus de la polymérisation du soufre en milieu acide, dissous dans
les gouttelettes d'H2SO4,
ou bien encore de particules solides en suspension dans les couches de nuages.
Vénus
|
Terre
|
Mars
|
|
Albédo géométrique |
0.65
|
0.367
|
0.150
|
Constante solaire (W m-2) |
2620
|
1382
|
594
|
Flux net en surface (W m-2) |
367
|
842
|
499
|
Température effective Te |
230K
|
253K
|
212K
|
Température d'équilibre T |
735K (462°C)
|
288K (15°C)
|
218K (-55°C)
|
Surcroît de température T - Te |
+505K
|
+35K
|
+6K
|
Table 2. –
Caractéristiques de température comparées de l'atmosphère de Vénus, la Terre et
Mars.
Température. - La température
très élevée de Vénus (740 K, soit environ 460 °C) a été mise en évidence dans
les années 1950 par des mesures en ondes centimétriques depuis le sol
terrestre, à une longueur d'onde de 3,15 cm. Cette température exceptionnelle
ne résulte pas directement de la proximité du soleil ; au contraire, du fait de
l'épaisse couche nuageuse qui réfléchit environ 65 % de la lumière incidente,
le flux net d'énergie solaire au niveau du sol, que l'on nomme la constante
solaire, est inférieur à celui reçu
par la Terre (voir Table 3). Cette température est la conséquence d'un effet de
serre résultant non du dioxyde de carbone (CO2) mais de constituants
en très faibles quantités relatives tels que SO2 et H2O.
En effet, dans le domaine infrarouge correspondant au maximum d'émission
thermique pour un corps à la température de la surface et de la basse
atmosphère de Vénus, le CO2 présente des fenêtres de transmission
très larges qui ne peuvent piéger efficacement le rayonnement infrarouge. En
revanche, SO2 et H2O, bien qu'en très faibles quantités,
absorbent les radiations dans ce domaine de longueurs d'onde, tout comme le
font également les fines particules d'acide sulfurique qui constituent les
nuages. Le surcroît de température dû à l'effet de serre est de 35 kelvins pour
la Terre, il atteint plus de 500 kelvins sur Vénus.
Fig. 2. – Variation de la température de l'atmosphère de Vénus en fonction
de l'altitude, obtenue in-situ lors
de la descente dans l'atmosphère de quatre sondes automatiques au cours de la
mission Pioneer-Venus en 1979 (trait continu). A droite, est représentée la
densité moyenne relative de particules des brumes et de nuages en fonction de
l'altitude, faisant apparaître plusieurs couches distinctes. Les nuages, situés
à une altitude comprise en 45 et 70 km, sont constitués de fines gouttelettes
d'acide sulfurique en solution aqueuse, constituées à 75% d'acide sulfurique (H2SO4)
et à 25 % d'eau (H2O). Leur diamètre compris entre quelques dizièmes
de mm et une dizaine de mm (1 mm = 10-3 mm). La basse atmosphère
de Vénus ne reçoit pas de lumière solaire aux longueurs d'onde
inférieures à 400 nm. En lumière visible, c'est à peine 5% de la lumière
solaire qui atteint la surface.
Constitution et formation des nuages. - Les nuages, situés à une altitude comprise en 45 et 70 km, sont constitués de fines gouttelettes d'acide sulfurique en solution aqueuse, constituées à 75% d'acide sulfurique (H2SO4) et à 25 % d'eau (H2O). Leur diamètre compris entre quelques dizièmes de mm et une dizaine de mm (1 mm = 10-3 mm), la plupart de ces particules ont un diamètre de 0.2 mm ou 1 mm environ. Une expérience à bord de la grande sonde de descente de Pioneer Venus a montré que cinq régions de nuages ou de brumes sont constituées de particules de composition et de propriétés optiques et physiques différentes. La brume supérieure (upper haze region, 70 km ≤ z ≤ 90 km) a une épaisseur optique moyenne de 0,05 à 1,0. Au sommet de la couche supérieure des nuages (upper cloud region, 56.5 ≤ z ≤ 70 km) apparaissent les gouttelettes d'H2SO4. La couche intermédiaire (middle cloud region, 50.5 ≤ z ≤ 56.5 km) et la couche inférieure (lower cloud region, 47.5 ≤ z ≤ 50.5 km) sont caractérisées par la présence de particules plus grandes pouvant atteindre plusieurs microns de diamètre. Toutes ces particules en phase liquide se forment à très haute altitude, au niveau du somment de la couche supérieure des nuages, là où le rayonnement ultraviolet du soleil agit par photolyse sur les constituants atmosphériques. En particulier, le gaz SO2 forme SO3 en réagissant avec O, produit de la photolyse du CO2, puis enfin H2SO4 à partir de H2O, qui passe à l'état liquide en raison de la pression partielle des espèces gazeuses soufrées dans le gaz environnant. A l'inverse, dans la basse atmosphère, on assiste à la décomposition des fines gouttelettes d'acide sulfurique H2SO4 : migrant à travers la structure stratifiée des nuages à la faible vitesse d'environ 1 mm s-1, elles sont vaporisées lorsqu'elles atteignent les couches plus chaudes de l'atmosphère à la base de la couche inférieure des nuages, vers 40 km d'altitude.
Aérostats
vénusiens. - Parmi les
plus audacieuses missions d'exploration de l'atmosphère de Vénus figure la mise
à poste d'aérostats vénusiens déployées lors de la mission Véga les 11 et 15
juin 1985. Les ballons, d'un diamètre de 3,4 mètres ont été insérés à quatre
jours d'intervalle durant la phase de descente vers le sol des modules
d'atterrissage. Chacun a supporté 25 kg de nacelle. 5 kg d'instrumentation ont
flotté à 12 mètres au-dessous du ballon à une altitude comprise entre 50 et 55
km, dans la région intermédiaire des nuages vers 0.6 bar, pendant une durée de
47 heures (La durée de vie des batteries était de 60 heures). Le déplacement
des ballons était suivi par interférométrie à très large base VLBI. Après 48
heures les ballons sont passés du côté jour puis ont disparu du fait du
chauffage radiatif solaire (dilatation puis rupture de l'enveloppe). Ils ont au
total parcouru 100 degrés de longitude sur 360. L'un a dérivé aux alentours de
7° N et l'autre vers 7° S. Les instruments à bord ont mesuré la température, la
pression, la vitesse verticale du vent, l'opacité atmosphérique (densité et
taille moyenne des aérosols), le niveau d'éclairement ainsi que la détection
d'éclairs. Durant leur excursion verticale de 2 à 3 km d'amplitude, ils ont pu
mesurer des gradients de température proches du gradient adiabatique. Les
maxima de température mesurée ont différé de 6,5 K entre les deux ballons.
Circulation atmosphérique et vents. - La rotation générale de l'atmosphère dans son
ensemble, appelée super-rrotation, s'effectue d'ouest en est, c'est à dire dans
le même sens rétrograde que la rotation de la planète elle-même, selon une
période de 4,2 jours, mais à une vitesse plus de 50 fois supérieure. Le
mouvement de super-rotation s’amorce vers 10 km d'altitude, s’amplifie
régulièrement jusqu’à 65 km, où elle atteint une vitesse à l'équateur de
l'ordre de 540 km/h, pour décroître et s’annuler vers 95 km. Le mécanisme qui
produit et entretient la super-rotation n'est pas entièrement compris mais il
impliquerait pour une part significative l'effet de marée thermique exercée par
le soleil sur une partie de l'atmosphère exposée au rayonnement solaire. A cette
circulation atmosphérique générale, parallèle à l'équateur de la planète,
s'ajoutent d'autres composantes à faible vitesse (de l'ordre du ms-1)
qui pourraient présenter des caractéristiques voisines des cellules de Hadley,
le long des méridiens, avec mouvement ascendant près de l'équateur produit par
le chauffage dû au rayonnement solaire.