Pour ce passage, l'ensemble de la communauté astronomique se mobilisa. Aux difficultés liées aux voyages, vint s'ajouter la guerre de sept ans, conflit quasi-mondial qui embrasa non seulement l'Europe mais aussi les mers et les colonies.
La mobilisation des astronomes pour l'observation de ce passage fut faite par Delisle qui envoya à plus d'une centaine de correspondants de par le monde, sa Mappemonde du passage de 1761.Une copie de cette mappemonde, rapportée au méridien de Greenwich fut faite pas J. Ferguson (Astronomy Explained, 1785, Planche XVII, Planche xvii ).
En France, l'Académie Royale des sciences organisa à cette occasion trois campagnes d'observations. Deux de ces campagnes eurent lieu dans des pays alliés de la France. César-François Cassini de Thury (1714-1784) se rendit à Vienne et observa le passage en compagnie de l'archiduc Joseph; l'Abbé Jean Chappe d'Auteroche (1728-1769) fut invité à Tobolsk en Sibérie par l'impératrice Élisabeth. La troisième campagne fut celle d'Alexandre Guy Pingré (1711-1796) qui se rendit dans l'île Rodrigues (au nord de Madagascar) desservie par la compagnie des Indes. Un quatrième astronome, Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Batiste Le Gentil de La Galaisière (1725-1792), prit la mer dans le but d'observer le passage de Vénus aux Indes à Pondichéry; malheureusement son voyage fut interrompu, la ville de Pondichéry étant tombée aux mains des Anglais. Son navire fit demi-tour et rallia l'île de France (île Maurice) où Le Gentil décida de rester en attendant le passage suivant. Enfin l'astronome Joseph-Jérôme Lefrançois de Lalande (1732-1807) fit l'observation depuis le palais du Luxembourg à Paris.
Les astronomes anglais organisèrent également deux campagnes lointaines pour l'observation du phénomène. Nevil Maskelyne (1732-1811) se rendit à Sainte-Hélène où il ne put observer le passage à cause du mauvais temps et un second groupe formé de Charles Mason (1728-1786), de James Bradley (1693-1762) et de Jeremiah Dixon (1733-1779) devait observer le passage depuis Bencoolen (Sumatra). En réalité, ils observèrent le passage de Vénus près du Cap, ayant eux aussi fait demi-tour, Bencoolen étant tombé aux mains des Français! John Winthrop, professeur à Harvard se rendit à Saint-John (Terre-Neuve) où "entouré de milliards d'insectes décidés à saboter sa besogne" il réussit à observer le dernier contact du passage.
D'autres pays participèrent à cette campagne. L'Allemand Maximilien Hell l'observa depuis Vienne, le Suédois Petr Wargentin à Stockholm, le Danois Christian Horrebow à Copenhague, l'Italien Eustacio Zanotti à Bologne, le Portugais De Almeida à Porto, les Hollandais Johan Lulofs à Leiden, Jan de Munck à Middelburg, Dirk Klinkenberg à la Hague et enfin Johan Maurits Mohr à Batavia (Jakarta). Le nombre total d'observateurs professionnels du passage fut de 120, répartis sur 62 sites (S. Newcomb, 1890). Il convient de remarquer qu'une partie des lieux d'observations (Bencoolen, Pondichéry, Batavia) avait déjà été sélectionnée par Halley dès 1716.
Visibilité du passage de 1761, projection de Hammer |
Les résultats furent assez décevants, les valeurs trouvées pour la parallaxe solaire varièrent de 8.5" à 10.5" en fonction des auteurs qui firent les réductions des observations. Cette grande marge d'erreur est due à deux causes principales, une mauvaise connaissance des longitudes des lieux d'observation et le phénomène dit de la goutte noire qui faussa la détermination des instants du premier et du dernier contact intérieur.
Durant les premières observations des passages de Mercure devant le Soleil, on vit un point brillant au centre du disque noir de la planète. Ce point brillant fut interprété par certains comme un volcan en éruption et comme une illusion d'optique par d'autres. Il s'agit en réalité d'une figure de diffraction dont la théorie peut être complètement effectuée et le phénomène reproduit en laboratoire. Ce phénomène apparaissait lorsque l'on réduisait l'ouverture des instruments avec un diaphragme et le phénomène disparaissait lorsqu'on observait à pleine ouverture. Le phénomène dit de la goutte noire, qui perturbât les observations des contacts intérieurs des passages de Vénus est également observable dans le cas des passages de Mercure. Ce phénomène est dû à la diffraction et peut être reproduit et photographié en laboratoire. "Lorsque la planète entre sur le disque du soleil, la diffraction arrondit les deux pointes brillantes qui se referment derrière lui, et qui sont en réalité bien effilées. Lorsqu'elles sont sur le point de se rejoindre, Mercure semble attaché au bord solaire par une sorte de pédoncule, comme une goutte qui va se détacher d'un orifice étroit. ... Pour bien l'observer, il est nécessaire d'employer un grossissement nettement supérieur au grossissement résolvant, calculé pour l'ouverture libre de la lunette. Si cette ouverture est de 10 centimètres, par exemple, un grossissement d'au moins 150 fois est nécessaire. Comme le prétendu volcan de Mercure, la goutte noire peut être aisément reproduite au laboratoire et photographiée." (A. Couderc et A. Danjon, 1979) Vous pouvez reproduire ce phénomène en rapprochant le pouce et l'index situés à une dizaine de centimètres de vos yeux et placés devant une source lumineuse intense (le ciel, par exemple).
L'observation du passage de 1761 permit de suspecter l'existence d'une atmosphère autour de la planète Vénus. Cela se traduisit par l'apparition d'une auréole diffuse autour de la planète. Cette auréole, fut observée entre les contacts extérieurs et intérieurs. L'aspect de cette auréole varie en fonction de la position de la planète entre le contact extérieur et le contact intérieur. Si l'on note p la proportion du diamètre de Vénus à l'extérieur du disque solaire, l'auréole est souvent décrite comme totale au voisinage de p=0,5; elle présente parfois un aspect fractionné avec des variations d'intensité lumineuse au voisinage des directions des pôles de la planète. Elle présente également l'aspect d'une petite pyramide lumineuse (observation de Rittenhouse lors du passage de 1769). Ces différences aspects seront également constatées lors de l'observation des passages suivants et seront expliquées théoriquement par la présence d'une atmosphère.