Fiche pédagogique n° 27a :
Les distances dans le système solaire:
la parallaxe et les lois de Képler

Introduction:

Nous avons vu que l'astronome observe essentiellement des angles sur un ciel que l'on appelle la sphère céleste. Pourtant, tous les astres ne sont pas à la même distance de l'observateur. Comment, à partir de simples mesures d'angles, va-t-on pouvoir mesurer la taille de la Terre, la distance qui la sépare des astres du ciel et son mouvement dans l'espace?
Pour cela, une notion va être essentielle: la parallaxe.
Si deux observateurs voient un même objet sous deux angles différents, c'est que l'objet n'est pas à l'infini. La différence de vue ne dépend que de la position des observateurs et de la distance de l'objet observé. C'est le phénomène de relief, créé par notre cerveau à partir des images différentes reçues par nos deux yeux. Plus la distance de l'objet est grande, plus la distance entre les deux observateurs (entre les deux "yeux" qui observent) doit être grande. Nous allons donc utiliser ce phénomène pour mesurer la distance d'objets célestes où nous ne pouvons pas nous rendre pour mesurer leur distance in situ. Sur Terre, on utilise aussi ce phénomène pour mesurer la distance de lieux éloignés sans y aller: c'est la triangulation.

La triangulation

Commençons par essayer de mesurer la distance d'un objet situé sur la Terre. C'est ainsi que l'on pourra cartographier la surface terrestre de proche en proche. La méthode pour mesurer une distance est celle de la triangulation : on voit un objet dans une certaine direction (visée n°1) et si on se déplace d'une distance bien mesurable appelée "base", on voit l'objet dans une direction différente (visée n°2). Dans le triangle "objet - visée n°1 - visée n°2", on connaît un côté et deux angles : on peut calculer les autres côtés et déterminer la distance de l'objet. Cet effet est appelé "parallaxe" en astronomie.

La parallaxe en astronomie

Pour calculer la distance d'un corps céleste à la Terre, on peut procéder de la même façon. Depuis deux lieux sur Terre, on va mesurer l'angle de visée d'un astre et, connaissant la base, calculer la distance.
On conçoit bien que cette méthode a ses limites: si l'astre est très loin, la plus grande base terrestre ne pouvant dépasser 12756 kilomètres (le diamètre terrestre), il faut que la différence d'angle de visée entre les deux observateurs soit mesurable avec l'instrumentation dont les astronomes disposent.

Calcul d'une distance par parallaxe


 
 

Exemple 'Calcul d'une distance par triangulation'

Mesure de distance par triangulation



On désire mesurer la distance CH entre un bâtiment C et une route ABH de direction Nord-Sud sur laquelle se déplace un observateur qui ne peut mesurer que des angles ou des distances sur la route. D'une position A, l'observateur mesure un angle d'azimuth 30° entre la bâtiment C et la direction du Sud. D'une position B située un kilomètre plus loin sur la route, l'observateur va mesurer un azimuth de 45°.  Pour calculer CH, il suffit de résoudre le triangle ABC pour calculer la distance CH connaissant les deux angles en A et B et la base AB. On applique une des relations entre angles et côtés dans un triangle.

a / sin(A) = b / sin(B) = c / sin(C) où (A), (B), (C) sont les angles en A, B, C du triangle ABC.
On a donc:
a / sin(30°) = 1 km / sin(C) où (C) = 180° - ((A)+(B)) = 180° -165° = 15°
d'où: a = sin(30°) / sin(15°)
     CH = a.cos(B) = cos(45°)
     CH = 1366 m
 
 

Parallaxe diurne, parallaxe horizontale

On a vu précédemment que triangulation ou parallaxe utilisait le même principe pour déterminer la distance d'un objet éloigné sans avoir à y aller et sans mesurer directement la distance à l'objet. On remarque que la précision de la mesure dépend de la longueur de la base. Il faut pouvoir mesurer les angles avec suffisamment de précision. Pour un astre pas trop éloigné, il suffit de se déplacer sur la surface de la Terre -ou mieux de faire deux observations simultanées à partir de deux lieux éloignés sur la surface de la Terre- pour en déterminer la distance.

On remarque alors que le mouvement diurne de rotation de la Terre autour de son axe déplace chaque observateur au cours de la journée. Ce déplacement va modifier l'angle sous lequel on voit un astre à distance finie par rapport à l'angle de vue depuis le centre de la Terre qui ne bouge pas. C'est la parallaxe diurne qui, pour un observateur et un lieu donné va varier au cours de la journée. La distance séparant deux positions d'un observateur peut servir de "base" pour mesurer une distance. On comprend aisément qu'une telle base a une valeur limite maximale: c'est le diamètre terrestre.
La parallaxe diurne a une valeur maximale: c'est la "parallaxe horizontale" pour un astre donné. Elle sera atteinte pour un astre observé à l'horizon. Cette valeur est donc l'angle sous lequel un observateur situé sur l'astre en question voit le rayon terrestre.
 
 

Parallaxe annuelle

Pour déterminer la distance des étoiles, les distances à mesurer deviennent très grandes et la distance entre deux lieux sur Terre n'est pas suffisante pour faire de la triangulation. On va utiliser la parallaxe annuelle (angle sous lequel on voit le rayon de l'orbite terrestre depuis l'étoile), c'est-à-dire les différentes positions de la Terre sur son orbite pour mesurer les différences de direction apparente avec une base suffisamment grande (la base procurée par les différentes positions de la Terre sur son orbite atteint 300 millions de kilomètres). Si la parallaxe annuelle est d'une seconde de degré, on dira que l'étoile est à une distance de 1 parsec de la Terre. Très peu d'étoiles ont une parallaxe mesurable depuis la Terre. Les satellites astrométriques (Hipparcos, puis Gaia), en augmentant la précision de mesure de cette parallaxe, permettent d'obtenir la distance à la Terre de beaucoup plus d'étoiles que depuis le sol terrestre.

Mesure de la distance Terre-étoile grâce à la parallaxe annuelle due au mouvement de la Terre autour du Soleil



Cette mesure repose donc aussi sur la triangulation et la parallaxe mais à 6 mois d'intervalle.
La mesure de parallaxe pour les étoiles est précise mais elle n'est pas possible pour les étoiles très éloignées. Ce sront alors des critères reposant sur les statistiques, la photométrie et la spectroscopei qui permettront d'évaluer ces distances.
 
 

Parallaxe et distance Terre-Soleil

Ayant vu comment les astronomes mesurent les distances aux planètes et aux étoiles, comment va-t-on concrétement mesurer le système solaire tout entier? En quoi l'observation du passage de Vénus peut-elle nous donner la distance Terre-Vénus?

Pour comprendre, voyons concrètement comment on va mesurer la parallaxe d'un astre donné.
On a vu qu'il fallait mesurer un angle de visée d'un astre par rapport à une direction fixe, connue des deux observateurs, même éloignés et sans contact. Cette direction fixe va être fournie par un astre situé à proximité de l'astre dont on veut mesurer la distance, mais situé suffisamment loin pour pouvoir être considéré comme étant à l'infini. Cela revient à dire que sa parallaxe est nulle: quel que soit le lieu de la Terre d'où on l'observe, on le voit toujours dans la même direction. On va donc utiliser les étoiles pour laquelle la parallaxe diurne est négligeable. On a appliqué cette méthode à la planète Mars dès le XVIIème siècle mais la visée des étoiles était difficile et on a cherché un autre astre et une méthode plus facile. La planète Vénus, passant régulièrement devant le Soleil, a apporté la solution. Lors d'un tel passage, le disque solaire est un repère sur lequel la planète Vénus va apparaître à des endroits différents pour des observateurs différents. C'est le principe de la parallaxe.

Cas de la planète Mars: celle-ci n'apparaît pas devant les mêmes étoiles selon le lieu d'observation sur Terre

Pour la planète Mars, seul le principe de la parallaxe avec un calcul utilisant une base connue (dépendant des lieux d'observation sur Terre) va nous permettre de calculer la distance Terre Mars.



Cas de la planète Vénus: la projection de son disque sombre sur le disque solaire lors d'un passage n'est pas la même pour deux observateurs terrestres


 
 

Pour Vénus, on se sert du Soleil comme référence pour calculer la parallaxe. A la différence du calcul de la parallaxe pour la planète Mars, le Soleil n'est pas à l'infini: il a lui aussi une parallaxe et il nous faut connaître le rapport des distances du Soleil à Vénus et à la Terre. Cela nous est fourni par les lois de Képler. On connait la distance AB, l'angle en V (par l'observation) ainsi que le rapport VA/VA' (par la troisième loi de Képler), on en déduit VT, VS et TS, d'où la distance Terre-Soleil et l'unité astronomique. Le problème se complique du fait que A et B bouge (rotation de la Terre autour de son axe), ainsi que T et V (révolution de la Terre et de Vénus autour du Soleil).
 
 

Les distances dans le système solaire et la troisième loi de Képler

Le principe de la parallaxe n'est pas suffisant à lui seul pour déterminer toutes les distances dans le système solaire: seules les planètes Mars et Vénus sont accessibles (et également les astéroïdes passant près de la Terre comme Eros). Le Soleil et les autres planètes sont trop éloignés pour cela. Ce sera grâce aux lois de Képler que le problème sera résolu.

La première loi de Képler énonce que les orbites des planètes autour du Soleil sont des ellipses. Nous l'utiliserons parce que les distances Terre-Vénus et Terre-Soleil vont donc varier au cours du temps selon la position de ces planètes sur leur orbite.

La deuxième loi de Képler est la loi des aires. Plus simplement, elle indique que les planètes vont plus vite sur leur orbite quand elles sont près du Soleil. Nous utiliserons cette loi pour l'analyse des observations de passage qui nécessite de connaître la vitesse angulaire apparente de vénus sur le disque solaire.

La troisième loi de Képler nous fournit les rapports entre les distances au Soleil de toutes les planètes et il suffit ainsi de connaître une seule distance dans le système solaire pour connaître toutes les autres. Elle s'énonce ainsi:
le rapport a3/T2 est constant pour toutes les planètes du système solaire
où a est le demi grand axe de l'orbite et T la période de révolution autour du Soleil. La figure ci-dessous montre ce qui se passe si les orbites sont des cercles, connaissant la distance D et les périodes t1 et t2.

La première loi de Képler énonce le fait que les orbites sont des ellipses et on ne pourra donc pas assimiler les distances Soleil-Terre et Soleil-Vénus aux demi-grands axes aT et aV des orbites de la Terre et de Vénus. On passe du demi grand axe "a" à la distance Soleil-planète (rayon vecteur) "rP" par la formule:
 rP = a (1 - e cos E) où e est l'excentricité de l'ellipse et E caractérise l'emplacement de la planète sur son orbite elliptique (variable appelée "anomalie excentrique").

D'autres considérations viennent compliquer le problème: du fait des perturbations gravitationnelles mutuelles, les planètes ne suivent pas les lois de Képler, valables uniquement pour deux corps, mais des plus complexes. De plus, ce n'est pas la Terre qui suit une trajectoire quasi-elliptique, mais le barycentre du système Terre-Lune. Enfin, la lumière ne se propage pas instantanément, ce qui nécessite la prise en compte de la distance Terre-Soleil, donc d'itérer le processus. La fiche n°32 fait le point sur la façon de mesurer et de définir l'unité astronomique aujourd'hui.

Conclusion

Le principe de la parallaxe et les lois de Képler (découvertes par l'analyse des observations des positions des planètes au cours du temps) sont donc suffisantes pour nous permettre de mesurer le distance Terre-Vénus et, à partir de là, toutes les distances des planètes au Soleil. La distance Terre-Soleil servant de base pour le calcul de la distance aux étoiles proches, c'est l'univers que nous pouvons donc envisager de mesurer désormais.